Lors de notre visite des Champs- Elysées et de l’Arc de Triomphe je vous parlerai d‘Esther Blanche Lachmann aussi appelée la Marquise de la Païva, une femme intelligente, cultivée, et pour qui la séduction était une stratégie pour son ascension sociale et financière. Courtisane, Marquise puis Comtesse je vous propose ici, de découvrir le destin hors du commun de la plus célèbre courtisane du Second Empire.

Du ghetto Russe a la Nouvelle Athènes
Esther Blanche Lachmann n’a en effet pas toujours connu l’opulence. D’origine juive polonaise, elle naît à Moscou en 1819. En 1836, elle se marie très jeune avec un tailleur français qui vivait à Moscou, avec qui elle aura un fils. Cependant l’histoire est de courte durée. Esther décide de tout quitter, mari, enfant et Moscou pour partir à l’aventure qui l’amènera à Paris en 1839. A Paris, elle s’installe près de Notre Dame de Lorette, où elle s’introduit dans le milieu des lorettes. Mais qu’est ce qu’une lorette me demandez vous? Une Lorette désigne au XIXe siècle un type de jeune femme élégante vivant de ses relations avec des hommes et doit son nom à l’église de Notre Dame de Lorette. (Larousse 1873)

Esther Blanche Lachmann s’introduit donc dans le milieu de la prostitution, où elle se fera appelée Thérèse. Elle s’est fixé un but, monter dans la hiérarchie sociale par les hommes.

L’entrée de la Païva dans le cercle des intellectuels parisiens
Après avoir vendu son corps quelque temps dans le quartier de la Nouvelle Athènes, elle passe vite de simple lorette à une Lionne: une courtisane entretenue par de riches protecteurs. Elle s’amourache du pianiste Henri Herz en 1841 qui la fait entrer dans le cercle très fermé des intellectuels parisiens du moment. On raconte qu’elle aurait attiré l’attention du pianiste en s’évanouissant à une de ses représentations. Beaucoup aujourd’hui pensent que tout cela n’était qu’une mise en scène. En tout cas, ça marche pour notre chère Esther, Henri est très amoureux d’elle et la présente comme sa femme. Même si Esther est déjà mariée elle se fait donc passer pour Madame Herz et change encore une fois de nom en Blanche ! Ce couple très amoureux a une fille, Henriette, en 1842, dont la garde est confiée à la famille Herz, et qui décèdera à l’age de 12ans.
Henri Hertz Une soirée chez la Païva, Monticelli (date inconnue)
Grâce à Herz, elle le suit dans ses tournées en Europe et elle côtoie Wagner, Théophile Gautier, Léon Gambetta ou encore les frères Goncourt. Une fois encore, cette amourette ne dure pas… Après avoir dilapidé la fortune d’Herz, elle se fait chasser par sa famille et se retrouve sans sous. Mais ça ne l’arrête pas !
De Lionne à Marquise
Vous vous souvenez de son mari français qu’elle a laissé à Moscou ? Ce dernier décide de quitter la Russie pour la reconquérir, mais ça ne suffit pas et elle le repousse. Désespéré, il meurt à Paris en 1849. Cela veut donc dire que Esther/ Thérèse/ Blanche est finalement veuve ! Elle ne perd pas de temps et en 1851, elle épouse un portugais catholique principalement pour son titre, le marquis Albino Francisco de Païva. Elle monte encore les échelons et devient donc marquise. Cependant, ça ne dure encore pas longtemps et ils se séparent au bout de deux ans. Le mariage est annulé seulement en 1871 et le marquis couvert de dettes se suicide en 1872.

De marquise a Comtesse
Dans les années 1860, arrive enfin l’homme avec qui elle finira ses jours et qui financera sa folie des grandeurs : le comte Guido Henckel Von Donnersmarck. C’est un prussien luthérien, qui est onze ans plus jeune et est cousin du Bismark ! Elle l’épouse en octobre 1871, et devient donc comtesse, une consécration ! La marquise est désormais comtesse, mais son titre de marquise lui reste dans tous les écrits contemporains.

La Marquise de Païva souhaite alors s’établir dans une sublime demeure… Rien de tel que sur les Champs-Élysées, the place to be du Second Empire ! Un hôtel particulier est donc inauguré au 25 avenue des Champs-Elysées en 1867, après 10 ans de travaux. Pour 10 millions de franc or, l’équivalent de 40 millions d’euros, les moindres désirs de la marquise sont assouvis. Elle fait appel aux artistes en vogue à l’époque et va notamment lancer la carrière de quelques-uns, comme Baudry, qui sera plus tard le décorateur du foyer de l’Opéra Garnier, ou le sculpteur Dalou.
Hôtel de la Païva en 1901, par Eugène Atget (BNF) Hôtel de la Païva aujourd’hui
Si la façade de style renaissance italienne est assez sobre, à l’intérieur, de nombreuses merveilles luxueuses font le charme de cet hôtel particulier. Rien n’est trop beau pour la marquise ! Une de ses folies ? Une baignoire en argent de 900 kilos avec 3 robinets : un pour l’eau chaude, un autre pour l’eau froide, et le troisième aurait servi à faire couler… du champagne à flots ! De quoi entretenir la légende de cette femme hors du commun.
Grand Salon ©Anthony Rauchen Escalier d’onyx ©Anthony Rauchen Salle de bain de Madame ©Francis Hammond
L’hôtel particulier sera surnommé ‘le louvre du cul’ par les frères Goncourt. En effet, l’hôtel est décoré de nombreux tableaux et sculptures représentant notre chère Blanche dans son plus simple appareil. Il sera aussi surnommé l’hôtel “qui paye y va “ en référence au nom de la “Païva”.
Grand Salon Bas relief de Diane couchée sur un cerf
Limites à son intégration sociale
Cependant, même mariée et pourvue d’un titre, il y a des limites à son intégration sociale. Le couple impérial ne la recevra jamais aux Tuileries. Aucune femme convenable ne se compromet à paraître chez La Païva. Tout ça est malheureux, car elle a beau être une ancienne courtisane, c’est aussi une femme très intelligente, douée, et très cultivée. Blanche parle plusieurs langues, joue du piano, monte à cheval et lit énormément… Il faut bien qu’elle soit plutôt savante pour alimenter la conversation avec des hôtes aussi lettrés et prestigieux ! Elle maitrise aussi le sens des affaires et elle gère seule sa fortune, pas mal pour l’époque !

Fin d’un rêve pour la Païva
Le rêve prend fin lorsque la guerre éclate en 1870. Son mari étant prussien, on l’accuse presque d’espionnage. C’est d’ailleurs lui qui négociera l’indemnité de guerre que la France doit payer, une somme exorbitante : 6 milliards de francs. Elle est très vite considérée comme une traîtresse, malgré qu’elle se soit essayé à la politique. La Païva fuit donc Paris pour s’installer en Silésie dans le château de son époux. Elle ne survivra pas longtemps à cet éloignement forcé et à cette déchéance sociale. Blanche meurt littéralement d’ennui 4 ans plus tard, en 1884.

Pour conclure, je vous laisse avec cette citation “poétique” du critique littéraire Paul de Saint-Victor qui disait de la Paiva que «ses lèvres sont un divan rouge aplati par le cul d’un pacha»

Si je me suis penchée sur cette femme c’est notamment parce que sur ma to do list des choses a visiter a Paris , il y a son fameux Hôtel particulier. Depuis 1903, l’hôtel particulier appartient au Traveller’s Club (un club que d’hommes, assez ironique !) et ne se visite que certains week-ends sur réservation. Peut-être que certains d’entre vous l’on déjà visité d’ailleurs? N’hésitez pas à partager votre visite pour me faire rêver !
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