Ce tableau de Paolo Véronèse étant mon tableau préféré du Musée du Louvre, se doit d’être la première « Œuvre à la loupe ». Une série d’œuvres que nous tâcherons de vous décrire, en vous donnant tous les détails croustillants, et les faits bien souvent oubliés !

Avez- vous déjà vu ce tableau? Si la réponse est négative, courez au musée du Louvre, suivez la foule de gens qui se rue vers la Joconde, et quand vous vous trouverez face au tableau le plus connu du monde – sans vraiment savoir pourquoi – retournez vous. Oui, ce tableau qui fait la taille d’un mur, ce sont Les Noces de Cana ! Il est pourtant difficile de la manquer au vue de ses dimensions exceptionnelles – 70m2, ou trois fois mon appartement parisien... Cette toile était à l’origine conservée dans le couvent bénédictin de San Giorgio Maggiore à Venise. Commandée en 1562 par les moines, elle était destinée à orner leur nouveau réfectoire. Les commanditaires avaient exigé que l’œuvre soit monumentale afin d’occuper tout le mur du fond.

Les Noces de Cana, Paolo Veronese, 1563. Musée du Louvre

Les Noces de Cana, épisode biblique, évoque le premier miracle accompli par le Christ. Alors qu’il est invité à un repas de mariage dans la ville de Cana, le vin vient à manquer à la fin du banquet. Il ordonne alors aux serviteurs de remplir d’eau les grandes jarres de pierre puis de servir le maître de maison. Soudain, ce dernier constate que l’eau s’est changée en vin !!

Cet épisode sacré est transposé habilement en une fastueuse noce vénitienne. Dans cette scène de mariage, le Christ est, étonnamment, placé au centre, entouré de la Vierge et les disciples, reléguant les mariés en bout de table à gauche. D’ailleurs, la figure prédominante du Christ est renforcée par son regard fixe, vers le spectateur.

La mariée aussi nous regarde, le regard lourd, a t-elle l’air heureuse ? Pas vraiment, il n’y a plus de vin à son banquet. Et pourquoi le marié a t-il l’air pensif ? Son attitude est peut-être liée au geste du majordome, dans sa tunique verte : il déboucle sa ceinture, main gauche posée sur sa bourse, il est indigné : on a fait outrage à son métier, il rend son tablier au milieu du festin ; le jeune marié ne sait pas quoi répondre et goûte ce vin dont lui-même ne sait d’où il provient.

A côté de la mariée : un homme vêtu de bleu, le nez et les joues rouges du gros buveur. Il regarde le décolleté de la mariée ? Non, de sa main gauche il tient une coupe pleine, il s’adresse en fait au serviteur coiffé d’un bonnet à clochettes, il parle de vin : se plaint –il de n’avoir que l’ancien cru dans son verre ?

Le miracle est en train de se produire ! Regardez les amphores, placées en évidence au premier plan dans l’alignement des musiciens. A gauche, un serviteur en présente une au marié, l’amphore est vide, un petit serviteur noir, apporte une coupe pleine au marié, l’amphore est vide mais la coupe est pleine. A droite du tableau, l’amphore contient beaucoup de vin. Nous assistons en direct au premier miracle du Christ, celui de l’eau changée en vin.

Sur cette toile, 132 personnages sont représentés dans des costumes et dans un décor typiques de l’Italie du XVIème siècle. Dans cette œuvre subtile, Véronèse orchestre ainsi une ingénieuse mise en scène et réussit à mêler deux époques éloignées de plus de 1500 ans en mélangeant le profane et le sacré. Ce tableau, qui était célèbre dans toute l’Europe et que les voyageurs de l’époque venaient admirer, a été volé en 1797 par les armées de Bonaparte. L’immense toile est alors roulée et découpée pour en permettre le transport en bateau au cours d’un long périple avant d’arriver au Louvre. En 1815, l’Autriche qui occupait alors l’Italie réclame le retour du tableau dans ses collections. L’administrateur du Louvre à l’époque, Vivien Denon, parvient à convaincre l’Autriche de l’impossibilité de ce rapatriement du fait des dimensions de la toile et à la place des Noces de Cana, c’est un tableau de Charles Lebrun que la France donne à l’Autriche.

Malheureusement, la salle de la Joconde s’apprête à être restaurée en 2019 du 8 janvier 2019 à novembre 2019 – il sera donc impossible de voir les Noces de Cana, qui seront décadrées, protégées et rentrées dans la cimaise. A ma plus grande tristesse! Sinon, vous pouvez toujours aller à Venise, dans l’ancien couvent où se trouvait le tableau. Le couvent est depuis 1951 le siège de la fondation Giogio Cini qui l’a restauré et transformé en centre culturel. Un fac-similé du tableau de Veronese, réalisé par la société Factum Arte, a été placé à son emplacement d’origine.

Fac-similé des Noces de Cana, à la Fondation Giorgio Cini à Venise.  

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