Célèbre peintre animalière française du XIXème siècle, particulièrement reconnue en Angleterre et aux États-Unis, Rosa Bonheur mena une vie à la fois excentrique et conventionnelle, une vie libre!

Consuelo Fould, Portrait de Rosa Bonheur, 1892-1893. Leed Art Gallery

Marie-Rosalie Bonheur naît le 16 mars 1822 à Bordeaux, elle a eu une enfance rurale et dorée à la campagne, au Château de Grimont, où est né son intérêt pour la vie rurale et les animaux.

Suite à des mésaventures familiales, Monsieur et Madame Bonheur se retrouvent fauchés et doivent partir pour Paris. Son père, Raimond Bonheur, modeste peintre paysagiste, a abandonné sa famille dans la misère, mais il est aussi celui qui a formé Rosa à la peinture et l’a poussée à devenir une femme libre. Pour l’anecdote, son père lui permet notamment d’élever un mouton sur le balcon du sixième étage de leur appartement !!

Cet encouragement paternel n’est pas anodin à une époque ou la professionnalisation et la reconnaissance des femmes dans l’art sont loin d’être acquises.

Eugène Disderi, Photographie de Rosa Bonheur, 1861-1864. Getty Center

A 13 ans, Rosa abandonne son travail de couturière pour se consacrer entièrement à la peinture et au dessin. Elle travaille comme apprentie dans des ateliers, qui jouent alors un rôle primordial dans la conquête du droit à la formation artistique (Rappelons que ce n’est qu’en 1897, suite à l’action de féministes acharnées, que les femmes seront admises à l’école des Beaux-Arts) Rosa se rend au Louvre où elle est autorisée à copier les œuvres qui lui plaisent, à l’exception des nus qui restent interdits aux femmes (ce qui explique que les peintres femmes se soient consacrées davantage aux natures mortes et aux paysages), elle fait aussi ses premières études de paysages au Bois de Boulogne.

En 1837, Raymond Bonheur reçoit la commande d’un M. Micas qui souhaite un portrait de sa fille Nathalie. C’est un vrai coup de foudre entre les deux fillettes : Rosa a 14 ans, Nathalie en a 12 ; elles ne seront finalement séparées que par la mort de Nathalie en 1889.

Nathalie Micas et Rosa Bonheur à Nice en 1882

A partir de 1841– elle a 19 ans – Rosa expose chaque année au Salon de Paris. En 1848, grâce à un tableau Bœufs et Taureaux, race du Cantal, une médaille d’or lui est décernée. Suivent alors des commandes de plus en plus fréquentes et de mieux en mieux payées, tant par l’État que par de riches amateurs.

Boeufs et taureaux, race du cantal, Rosa bonheur 1848

L’État commande d’ailleurs pour 3.000 francs, une scène de labourage : Le Labourage Nivernais, qui fut sa première œuvre importante, un défi et un triomphe : ses grandes dimensions (1,34 m x 2,60 m), furent jugées exorbitantes de la part d’une femme qui ne mesurait que 1m50! Ce tableau lui vaudra à la fois un prix et d’être associée à George Sand, qui l’imposera au Salon de 1849. La toile sera également présentée lors de l’exposition universelle de Paris en 1889.

Le Labourage Nivernais, dit aussi le Sombrage, 1849. Musée d’Orsay

Afin de mieux étudier les animaux et perfectionner ses connaissances anatomiques, Rosa Bonheur assistait aux foires aux bestiaux, n’hésitant pas à visiter les abattoirs, ou à disséquer des carcasses qu’elle achetait chez son boucher. Cela justifiait pour elle le port du pantalon, elle affirmait: « Quel ennui d’être limité dans ses gestes quand on est une fille ! » » En 1852, elle obtient donc auprès de  la préfecture de police l’autorisation de porter des pantalons. Cette ‘’demande de travestissement’’ ne sera abrogée qu’en… 2013 !

Permission de travestissement accordée à Rosa Bonheur  » Paris, le 12 Mai 1852 Nous, Préfet de Police, […] Autorisons la demoiselle Rosa Bonheur demeurant à Paris, rue … n° 320 à s’habiller en homme ; pour raison de santé sans qu’elle puisse, sous ce travestissement, paraître aux spectacles, bals et autres lieux de réunion ouverts au public. La présente autorisation n’est valable que six mois, à compter de ce jour. « 

Non conformiste et transgressant les codes alors convenus de la féminité, Rosa Bonheur refuse de se marier, elle vivra avec son amie d’enfance Nathalie Micas, elle porte les cheveux courts, fume le cigare et monte à cheval, non en amazone, mais comme un homme.

Rosa Bonheur à By

En 1853, un tableau gigantesque (2,44 m x 5,06 m), Le Marché aux chevaux, vaut à Rosa Bonheur un succès international, et des éloges, qui ramènent cependant son talent à des qualités qui ne peuvent être que masculines, de ce genre :

«  C’est vraiment une peinture d’homme, nerveuse, solide, pleine de franchise. »

« Elle fait de l’art sérieusement, et on peut la traiter en homme. » Théophile Gautier.

Le marché aux chevaux, 1852-1855. Metropolitan Museum of Art, New York.

Rosa voyage en Angleterre avec sa toile et séduit ses interlocuteurs par ses manières originales mais agréables. Elle a maintenant ses marchands, un public international, et assez d’argent, pour continuer à faire ce quelle aime : célébrer les animaux et décrire dans son style réaliste les travaux des champs et la vie rurale en France.

En 1860, Rosa Bonheur s’installe au Château de By en lisière de forêt de Fontainebleau, où elle fait construire un très grand atelier et aménage des espaces pour ses animaux : mouflons, cerfs, biches, sangliers, moutons, chevaux, boeufs, chiens, et même un couple de lions, le mâle en cage, la femelle « Fatma » en liberté.

En 1865, elle est la première femme promue Officier de la Légion d’honneur, qui lui est remise par l’impératrice Eugénie. Ce qui déchaîne la fureur d’écrivains pour qui c’est ‘’une usurpation’’.

En 1889, peu après la mort de Nathalie Micas, le Colonel Cody, le légendaire « Buffalo Bill », de passage en France avec ses cow-boys et des Indiens, pour l’Exposition universelle, vient la voir à By. C’est un fervent supporter du vote des femmes et il veut connaître la petite « frenchy » qui décrit si bien ses grands espaces.

Rosa Bonheur assise Avec Buffalo Bill et les indiens du Wild West Show
Portrait du Col. William F. Cody dit « Buffalo Bill », Rosa Bonheur, 1889, Whitney Gallery of Western Art Collection.

A la suite de cette rencontre très commentée par la presse, Anna Klumpke, jeune américaine interprète et peintre, accompagne un éleveur de chevaux du Wyoming qui souhaite féliciter Rosa Bonheur. Anna Klumpke ne repartira pas et vivra avec Rosa jusqu’à ce qu’elle décède en 1899,  et deviendra sa légataire universelle. Rosa meurt sans avoir achevé son dernier tableau de grand format, La Foulaison, que l’on peut apercevoir sur cette toile réalisée par sa compagne Anna:

Rosa Bonheur, Anna Klumpke, 1898. Metropolitan Museum of Art, New York

Bizarrement, malgré toutes ses excentricités et idées à contre-courant, Rosa Bonheur n’a jamais provoqué de scandale. Elle ne fut pas une novatrice, elle peignit beaucoup d’animaux de compagnie et s’écarta des courants modernes successifs… il n’empêche… Respect!


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